dimanche 5 novembre 2017

Doigt d'honneur et autres emblèmes



Le 9 novembre 2006, Donald Rumsfeld donne une conférence à l’université d’État du Kansas. Lorsque vient le moment des questions, un étudiant lui demande quelle note il se donnerait à lui-même pour évaluer sa performance en tant que secrétaire à la Défense des Etats-Unis. Et la réponse du politicien, comme vous pouvez le voir dans la vidéo, s’accompagne d’un geste plutôt équivoque.



En France, le 27 août 2014 c’est Michel Sapin, alors ministre des finances, qui fait un doigt en direction des caméras alors qu’il se rend à l’Elysée. Le cabinet du ministre, contacté par un journaliste, explique qu’il ne s’agit pas du tout d’un doigt d’honneur puisque le majeur n’est pas pointé en l’air.
C’est vrai, même si le geste ressemble à un doigt d’honneur, il n’en a pas toutes les caractéristiques.

Des exemples comme ça, il en existe plein. Barack Obama, Henri Emmanuelli, Barack Obama ou encore... Barack Obama.
Mais bien entendu, aucune de ces personnes n’a admis publiquement que son geste était vraiment un doigt d’honneur. Alors pour quelle raison ces gestes ont-ils eu lieu ? S’agissait-il de tics corporels, un peu comme une version non-verbale du syndrome de Gilles de La Tourette ? S’agissait-il de provocations délibérées à peine dissimulées ?
On peut également envisager que ces gestes se soient produits totalement par hasard, et que seul l’œil du spectateur perçoive un geste insultant.

Mais il existe une quatrième possibilité : ces gestes pourraient bien être ce qu’on appelle des fuites, c’est à dire des gestes qui reflètent l’état d’esprit de leurs auteurs malgré leur tentative pour le dissimuler.
En gros, des mouvements qui se produisent en échappant à notre contrôle, en dépit de toute tentative de dissimuler certaines de nos pensées ou émotions. En somme, ce serait des lapsus non-verbaux. C’est du moins ce qui ressort des recherches menées par plusieurs chercheurs sur le sujet, et notamment par Paul Ekman.

Les gestes emblèmes

Le doigt d’honneur, au même titre que d’autres gestes comme l’index sur la bouche pour dire de se taire, l’index replié pour indiquer à une personne de se rapprocher ou encore le haussement d’épaules, fait partie d’une catégorie de gestes que David Efron avait appelé en 1941 les emblèmes.

Il s’agit de gestes dont le sens est précis, contrairement à la plupart des gestes qui illustrent nos paroles, mais qui n’ont de signification qu’à l’intérieur d’un même groupe ou d’une même culture. C’est à dire des gestes qu’on ne peut interpréter que si on en connaît la signification. 

Par exemple, si je vous adresse un signe en V en dressant à la fois mon index et mon majeur en gardant ma paume face à moi, il y a peu de chance que vous vous sentiez insulté, sauf si vous venez du Royaume-Uni, d’Irlande ou d’Australie. Car dans ces pays, ce geste a la même valeur d’insulte que le doigt d’honneur.



Et si je vous fais ce signe, selon votre pays d’origine vous penserez que je vous indique que tout est ok, ou au contraire que je vous traite de trou du cul.

De même, le doigt d’honneur n’a pas une signification universelle. Il existe plein de pays qui n’ont aucune connaissance de ce geste et où un majeur dressé ne générera pas de réaction. Sur cette photo, par exemple, on voit des enfants brandir leur majeur en souriant, sans avoir connaissance de la portée de leur geste.

Photo : John Christian Fjellestad

Des gestes emblèmes comme ça, il en existe environ une soixantaine dans la culture occidentale :le signe peace, le pouce levé, la tête qui fait oui, non ou peut-être, le plat de la main pour dire stop, etc.

Leur point commun, ce qui les distingue des autres gestes, c’est leur sens très précis. Même en dehors de toute parole, il est facile de les comprendre. Ils peuvent remplacer des mots ou même des phrases.

Ces gestes sont habituellement produits volontairement. Mais il arrive qu’ils se produisent en dehors du champ de conscience de leur auteur. On parle alors de lapsus emblématiques.

Comment savoir si un emblème est volontaire ou insconscient ?

Paul Ekman, dans son livre intitulé Je sais que vous mentez, explique qu’il y a deux critères pour déterminer si un geste emblème a été produit volontairement ou s’il s’agit d’une fuite.

Premièrement, si l’emblème est produit volontairement, le geste sera complet. Alors que s’il s’agit d’une fuite, le geste pourra éventuellement n’être exécuté qu’en partie. Pour un doigt d’honneur, par exemple, si le geste est produit volontairement, non seulement le majeur sera dressé vers le haut, mais les autres doigts seront repliés et la main sera brandie en avant. Alors que si le geste est inconscient, le bras pourra rester penché et/ou les doigts pourront être moins pliés.
Pour le signe « non » de la tête, s’il est volontaire la tête se tournera plusieurs fois franchement d’un côté et de l’autre, alors que s’il s’agit d’une fuite, le geste sera moins ample et la tête ne fera qu’un ou deux allers-retours très rapides.
Cela englobe également les emblèmes qui se produisent à l’occasion d’autres gestes, comme se gratter le nez avec le majeur par exemple, ou se tenir la tête en laissant ce doigt bien en évidence.

L’autre façon de savoir si un emblème est produit volontairement, c’est sa position. La plupart des emblèmes volontaires se font devant l’interlocuteur et à sa hauteur. Mais un emblème fuité pourra se produire dans une position différente de la position habituelle. Le doigt d’honneur pourra être fait en laissant la main reposer sur son genou ou bien dans une direction qui ne fait pas face à l’interlocuteur.
Le geste de la main qui signifie « stop » pourra être fait vers le bas au lieu de faire face à sa cible.
 

Conclusion

Vous aurez certainement remarqué que ces deux indices – le fait que le geste soit complet ou non, et sa position – ne suffisent pas à expliquer tous les doigts d’honneurs que je vous ai montrés en début de vidéo. Notamment celui d’Henri Emmanuelli. Même si son geste se produit rapidement et que son auteur ne regarde pas sa cible, ça ressemble quand-même à une insulte volontaire.
 
Mais pour ce qui est de l’analyse de la communication non-verbale, ça n’a pas d’importance, puisque dans les deux cas, qu’il s’agisse d’un geste inconscient ou volontaire, il reflète très bien l’état d’esprit de son auteur.
 

Sources

  • Up To Snuff – 20/09/2015 – It always sticks up for me – https://uptosnuffblog.wordpress.com/2015/09/20/it-always-sticks-up-for-me/
  • David Efron (1941) Gesture and Environment
  • University of West Florida – Behavior and Etiquette – Other Physical Gestures: Beckoning and American Gestures – http://uwf.edu/atcdev/Afghanistan/Behaviors/Lesson8PhysicalGestures.html
  • Expat Info Desk – 6 Innocent Hand Gestures That Can Land You in Hot Water Overseas – https://www.expatinfodesk.com/blog/2011/08/02/5-innocent-hand-gestures-that-can-land-you-in-hot-water-overseas/
  • LePoint.fr – Publié le 07/06/2011 – Emmanuelli fait un doigt d’honneur à Fillon – http://www.lepoint.fr/politique/emmanuelli-fait-un-doigt-d-honneur-a-fillon-07-06-2011-1339603_20.php

jeudi 26 octobre 2017

La qualité qu'on recherche vraiment chez un partenaire

Quelle est la première qualité qu’on recherche chez un partenaire ? Vous pensez peut-être que c’est de beaux yeux, une coupe de cheveux sympa ou une jolie silhouette ? Mais l’être humain pourrait être moins superficiel que ça, du moins en ce qui concerne les relations à long terme.

En 2016, 4 chercheurs ont mené une étude sur un échantillon de 1616 couples. Ils ont découvert qu’il existe une corrélation entre les niveaux d’éducation des deux partenaires d’un couple. 
 
En d’autres termes, si on pousse le raisonnement, l’une des caractéristiques qu’on recherche chez un partenaire, c’est un niveau d’intelligence similaire au sien.
Quand on est en quête d’un partenaire, on a généralement tendance à rechercher quelqu’un qui nous ressemble. Par exemple, au niveau physique, les personnes très attirantes se retrouvent rarement en couple avec des personnes peu attirantes.

Cette règle, sans être une loi absolue, est également valable en ce qui concerne le niveau de revenus. Les riches forment rarement des couples avec des pauvres et inversement.

Et comme le prouve l’étude que je vous ai citée plus haut, cette règle s’applique aussi au niveau d’intelligence. Si vous êtes un génie, votre couple a plus de chances de durer si vous rencontrez un autre génie. Et si vous êtes un crétin, votre couple a plus de chances de durer si vous rencontrez un autre crétin.

En même temps, si on y réfléchit ça a pas mal de sens. Imaginez une femme avec un niveau d’éducation plutôt élevé. Elle aime faire des escape rooms, lire et n’aime pas trop les activités no brain comme passer deux heures dans un magasin à essayer des fringues par exemple. Imaginez qu’elle se mette en couple avec un mec dont le passe-temps principal consiste à boire des bières avec ses potes et à regarder des matchs de foot. Je caricature un peu, mais il n’y a pas besoin de faire de gros efforts pour comprendre qu’ils vont avoir du mal à passer du temps ensemble, à moins de prendre sur eux et de s’ennuyer. Donc ils vont faire leurs activités chacun de leur côté et probablement faire d’autres rencontres, avec des personnes qui leurs correspondent plus. Ils vont finir par se séparer et former d’autres couples, aux passe-temps plus compatibles.

Bref, la leçon à tirer de cette histoire, c’est que si vous êtes célibataire et que vous cherchez à vous caser, vous avez plus de chances de réussir si vous visez les personnes qui ont un niveau d’éducation similaire au vôtre. Donc si vous adressez la parole à un inconnu et que quand il parle vous avez l’impression qu’il est encore en CM2, ou si au contraire vous avez l’impression d’assister à une conférence sur la gravité quantique à boucle, si c’est pour une nuit ça va, mais il ne faudra pas espérer beaucoup plus.
 

Sources

  • Berscheid, E., Dion, K., Walster, E., & Walster, G. W. (1971). Physical attractiveness and dating choice: A test of the matching hypothesis. Journal of experimental social psychology, 7(2), 173-189.
  • Feingold, A. (1988). Matching for attractiveness in romantic partners and same-sex friends: A meta-analysis and theoretical critique.
  • Hugh-Jones, D., Verweij, K. J., Pourcain, B. S., & Abdellaoui, A. (2016). Assortative mating on educational attainment leads to genetic spousal resemblance for polygenic scores. Intelligence, 59, 103-108.







jeudi 31 août 2017

Comment aider quelqu'un à perdre du poids plus facilement


Vous souhaitez aider quelqu'un à perdre du poids mais vous ne savez pas comment faire ? La solution pourrait bien se trouver à l'opposé de ce que vous dicte votre intuition.


Quand un proche veut aider quelqu'un à perdre du poids, en général il privilégie les encouragements. Le problème, c'est que même avec la meilleure volonté du monde, cette attitude renforce l'image négative de la personne qui cherche à perdre du poids, en mettant l'accent sur l'objectif qu'elle n'arrive pas à atteindre.

En conséquence, cela génère du stress, de l'anxiété et/ou une baisse d'estime de soi. Et les émotions négatives sont un terreau fertile pour la prise de poids, puisque les aliments sucrés et gras sont souvent un moyen utilisé pour gérer ses émotions.
 
En résumé, même avec la meilleure volonté du monde, les proches ont tendance à favoriser le contraire de ce qu'ils souhaitent en augmentant la prise de poids des personnes qu'ils veulent aider.

Et c'est encore pire lorsqu'ils émettent des critiques. En souhaitant mettre l'accent sur l'importance de l'objectif à atteindre, les proches croient générer de la motivation. Mais ce qui se passe en réalité, c'est qu'ils ne font que miner le moral de la personne qu'ils souhaitent aider.

Mais il existe un moyen d'aider un proche à perdre du poids, grâce à un message tout simple.

Une étude menée par Logel et ses collègues en 2014 a montré que les femmes qui reçoivent des messages d'acceptation à propos de leur poids de la part de leurs familles et de leurs proches sont celles qui parviennent le mieux à maintenir et même à perdre du poids. Leur alimentation est plus saine et elles sont plus actives.

Au contraire, celles qui n'étaient pas rassurées sur leur poids de la part de leurs proches prenaient pratiquement 1 kg supplémentaire par mois.

Conclusion : si vous voulez vraiment aider une personne que vous aimez à perdre du poids, ne cherchez pas à l'encourager. En général, elle se met déjà bien assez la pression toute seule (sans parler de celle de la société, des collègues de travail, des inconnus croisés dans la rue, etc.). Dites-lui plutôt qu'elle est jolie et rassurez-la.
C'est en l'aidant à maintenir une bonne image d'elle-même que vous l'aiderez le mieux.
 

Sources

Photo : Hamza Butt

samedi 5 août 2017

Le moyen le plus simple d'être aimé



En 1967, à l’université d’État de l’Oregon, un étudiant un peu spécial vient assister au cours du professeur Charles Goetzinger. Il se présente à chaque cours caché sous un sac noir en nylon, dont dépasse uniquement ses pieds. Tous les lundis, mercredis et vendredis à 11H du matin, le sac noir s’installe parmi les autres étudiants, sur une chaise près du fond de la classe.
Au départ, les autres étudiants sont plutôt choqués par la présence de ce sac noir dans leur cours et éprouvent de l’hostilité à son égard.
Mais à force de le côtoyer jour après jour, ils passent de l’antipathie à la curiosité, puis s’y habituent et finissent même par l’apprécier, au point de le protéger du harcèlement dont il fait preuve de la part des médias dont son histoire suscite l’attention. 
 
Selon Robert Zajonc, cette histoire illustre le fait que la simple exposition répétée à un stimulus – comme une personne, un objet, un lieu, un son – provoque une attitude positive envers ce stimulus.
 
Dans l’une des expériences que ce chercheur a réalisées et qu’il a développées dans un article en 1968, des sujets ont été exposés à des caractères chinois inconnus.
Officiellement, l’expérience était censée porter sur l’apprentissage d’une langue étrangère. Dans un premier temps, les chercheurs montraient les idéogrammes aux sujets. Certains d’entre eux étaient montrés une seule fois à chaque sujet. D’autres deux fois, cinq fois, dix fois ou encore 25 fois. 
Puis, dans une seconde phase de l’expérience, on demandait aux sujets de deviner si le caractère avait un sens positif ou négatif. Et ce qui s’est passé, c’est que plus les sujets avaient été exposés à un caractère, plus ils lui attribuaient un sens positif.
 
Cet effet de simple exposition, qu’on appelle aussi principe de familiarité, a également été démontré sur toutes sortes de choses, comme des mots, des personnes, des tableaux, des figures géométriques, des portraits et des sons. La conclusion est la même quel que soit le stimulus : la familiarité provoque la préférence. 
 
En même temps, ce n’est pas vraiment une surprise. Depuis bien longtemps on se doutait que c’est l’un des principes sur lesquels repose l’efficacité de la publicité. C’est pour ça que les marques n’ont pas forcément besoin de faire preuve d’inventivité dans leurs spots publicitaires et qu’elles peuvent se contenter de nous bombarder avec leurs logos. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles il leur arrive de passer leurs publicités trois fois de suite. [mercurochrome, le pansement des héros !]
 
Mais le plus étonnant, c’est que l’exposition n’a pas besoin d’être consciente pour fonctionner. En 1980, Ion et Stromeyer ont réalisé une expérience qui s’est déroulée en deux phases. Dans la première phase de leur expérience, ils ont montré aux sujets 10 formes géométriques, mais seulement pendant 1 milliseconde chacune. Un temps très court, suffisant pour percevoir le flash lumineux, mais insuffisant pour reconnaître la forme affichée. Les chercheurs ont néanmoins demandé aux sujets de bien regarder l’écran pendant tout le temps de l’exposition. 
Dans la seconde phase, ils ont montré aux sujets un assortiment de 20 formes géométriques, parmi lesquelles se trouvaient les 10 qu’on leur avait flashées dans la première phase et on leur a demandé de choisir les formes qu’ils préféraient. Et ce qui s’est passé, c’est que les sujets ont choisi les formes qu’on leur avait flashées, même s’ils n’avaient pas pu les reconnaître. 
 
Vous aurez reconnu le principe de l’image subliminale : une image présentée tellement rapidement qu’elle ne peut pas être perçue consciemment, et qui aurait pourtant un effet sur le comportement du spectateur.
 
Cet effet, bien qu’assez faible en situation réelle, a amené Zajonc à proposer l’hypothèse de la primauté affective.
Selon cette hypothèse, si le stimulus présenté n’a pas besoin d’être reconnu consciemment pour avoir un effet sur le comportement, cela signifie que la réaction affective à son égard n’a pas besoin de faire intervenir le raisonnement. 
Autrement dit, on déciderait qu’une chose est bonne ou mauvaise avant d’y réfléchir, avant de peser le pour et le contre.
Cette hypothèse, dont on reparlera probablement dans une future vidéo, pourrait bien expliquer la pauvreté des arguments de certaines personnes quand elles défendent leurs opinions.
 
Pour en conclure avec l’effet de simple exposition, je voudrais parler de la façon dont il affecte notre vie quotidienne.
Déjà, premièrement, même si vous n’accordez aucune attention à une publicité, tant qu’elle est dans votre champ de vision ou d’audition, elle va quand-même avoir un effet sur vous. Ce qu’il y a de pernicieux avec l’effet de simple exposition, c’est qu’il influence vos choix sans que vous le sachiez, et même si vous pensez être immunisé. Donc même quand vous profitez de la pause pub pour aller faire valser la goutte ou pour vous préparer un sandwich, si vous entendez un slogan ou un nom de produit vous serez plus susceptible d’acheter le produit en question. 
 
Et deuxièmement, sachez que l’effet de simple exposition affecte vos choix politiques. Lorsque les médias vous bombardent à longueur de temps avec certaines personnalités tandis qu’ils omettent, volontairement ou non, de vous en présenter d’autres, ils influencent votre vote. Lors des dernières élections présidentielles, c’est en partie à cause de l’effet de simple exposition que vous avez préféré voter Macron, Mélenchon ou Le Pen plutôt qu’un candidat moins médiatique comme, au hasard, Asselineau par exemple.
 
Alors évidemment, vous allez me dire qu’il y a bien d’autres facteurs qui influencent votre vote, comme vos opinions, le programme des candidats, leur façon de s’exprimer, votre choix de voter utile ou non, etc. Et vous aurez raison. Heureusement, si l’effet de simple exposition a une portée bien réelle, elle reste plutôt faible comparée à celle d’autres facteurs, ce qui est plutôt rassurant.
Ceci dit, si vous découvrez un candidat seulement trois jours avant le début des élections, peu importe son expérience ou la qualité de son programme : il aura toujours l’air moins crédible que ses opposants que vous voyez depuis des années passer à la télévision.
 
Enfin, notez quand-même que l’effet de simple exposition peut être à double tranchant, car si on en abuse, ce qu’on voulait vous faire aimer devient tellement irritant que vous allez au contraire finir par le détester.
 
Donc en résumé, si vous voulez vous faire apprécier, que ce soit pour des raisons commerciales, professionnelles ou même personnelles, la première étape consistera à montrer que vous existez. Faites-vous connaître. Affichez-vous, engagez la conversation, mettez des photos de vous, de vos produits ou de votre logo. Mais par contre, faites bien attention à vous arrêter avant de commencer à devenir pénible.

Sources

  • Ion, V. R., & Stromeyer, C. F. (1980). Affective discrimination of stimuli that cannot be recognized. Science, 207, 1. 
  • Murphy, Sheila T.; Zajonc, R. B. (1993). "Affect, cognition, and awareness: Affective priming with optimal and suboptimal stimulus exposures". Journal of Personality and Social Psychology. 64 (5): 723–739. 
  • Suedfeld, P., Rank, D., & Borrie, R. A. (1975). Frequency of Exposure and Evaluation of Candidates and Campaign Speeches1. Journal of Applied Social Psychology, 5(2), 118-126. 
  • Vavreck, L. (07/10/2014) A campaign dollar’s power is more valuable to a challenger - https://www.nytimes.com/2014/10/08/upshot/a-campaign-dollars-power-is-more-valuable-to-a-challenger.html?_r=0 
  • Vleugel, A. (2012), Ten unusual experiments in the name of science – the black bag experiment. UA magazine – https://www.ua-magazine.com/ten-unusual-experiments-in-the-name-of-science-the-black-bag-experiment/.WMvh2WfjKUl#.WNWD3mfjKUk 
  • Zajonc, R. B. (1968). Attitudinal effects of mere exposure. Journal of personality and social psychology, 9(2p2), 1. 
  • Zajonc, R.B. (February 1980). "Feeling and thinking: Preferences need no inferences". American Psychologist. 35 (2): 151–175.

mardi 4 juillet 2017

Entraînez-vous en ligne au mastermind (tests psychotechniques)

Vous préparez le concours d'entrée en IFSI pour devenir infirmière (ou infirmier) ? Dans ce cas, il est probable que vous redoutiez l'épreuve des tests d'aptitude. La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui il existe des moyens pour s'entraîner en ligne, depuis votre ordinateur, tablette ou smartphone.

 


Avec l'épreuve des tests d'aptitude du concours infirmier, il y a un exercice qui revient souvent : le mastermind (ou carré logique). Cet exercice est réputé pour être un classique du concours d'entrée en IFSI, même si on le retrouve presque aussi souvent dans le concours d'entrée en IFAP.

Et le mastermind, ça fait peur. Encore plus que pour le reste de l'épreuve de tests d'aptitude. Parce que le mastermind, c'est difficile. Le type de raisonnement utilisé pour en résoudre les questions sollicite énormément la mémoire de travail. En plus, beaucoup de candidats ont du mal à bien comprendre la consigne de cet exercice.

Dommage, parce que comme les masterminds sont très répandus dans les concours. Un candidat qui ne maîtrise pas cet exercice risque de voir sa note privée de précieux points, et son classement sur la liste d'entrée sérieusement réévalué.

Heureusement, ce n'est pas une fatalité. Comme toujours avec les tests psychotechniques, c'est l'entraînement qui prime. En multipliant la pratique sur des exercices variés, tôt ou tard on finit par gagner en compétence et s'assurer une belle performance.

Et pour s'entraîner, on n'est pas obligé de se contenter des classiques manuels de tests. Aujourd'hui, il existe des solutions innovantes, qui permettent de s'entraîner n'importe où pour peu qu'on ait accès à Internet : chez soi sur son ordinateur, depuis son canapé avec sa tablette et même dans le bus avec son smartphone.

C'est le cas du site e-lite.fr, par exemple, qui permet aux futurs candidats au concours de maîtriser parfaitement le mastermind.

Tout d'abord, le site propose des tutoriels en accès libre, en format textuel et bientôt également en vidéo.
Mais sa vraie richesse se situe ailleurs : dans sa base de données de questions. Très importante, à ce jour elle compte déjà plus de 5000 questions. Et chacune est sélectionnée aléatoirement à chaque fois que vous lancez un exercice. De cette façon, vous tombez à chaque fois sur un nouveau problème à résoudre et vous évitez la redondance des questions.

De plus, chaque question est accompagnée d'une solution détaillée. Comme ça, même quand vous vous trompez, vous avez la possibilité de suivre pas à pas le raisonnement qui conduit à trouver la solution.

exemple d'exercice de mastermind
Extrait d'un exercice de mastermind proposé sur le site e-lite.fr

Le site propose également d'autres fonctionnalités très utiles, comme la possibilité de choisir le niveau de difficulté des questions avec lesquelles vous vous entraînez ou des mises en situation de concours chronométrées.

En résumé, tout est là pour vous permettre de connaître le mastermind sur le bout des doigts. Après ça, cet exercice n'aura plus de secret pour vous.


samedi 22 avril 2017

L'estime de soi: comment ça fonctionne et comment l'augmenter



En 1890, William James publie un livre intitulé Principes de psychologie. Le bouquin est énorme. Il fait plus de 1300 pages. Autant vous dire que je n’ai pas eu le courage de tout lire. D’autant plus que pour moi, William James c’est un peu le Aristote de la psychologie.
 
Mais comme même une horloge cassée donne la bonne heure deux fois par jour, il y a quand-même une phrase parmi les 1300 pages de cet ouvrage qui a retenu l’attention des psychologues. Cette phrase, glissée presque furtivement au milieu du pavé, concerne le fonctionnement de l’estime de soi.

Le rôle de l’estime de soi

On peut définir l’estime de soi comme la considération qu’on a pour soi-même.
Autant dire que c’est important, parce que si on n’aime pas quelqu’un, on n’est pas forcément obligé de le supporter toute la journée. Mais si on ne s’aime pas soi-même, si on n’aime pas ce qu’on est, les conséquences sont plus graves...

Quand on a une bonne estime de soi, ça revient à se considérer comme quelqu’un de bien, de valable. Une mauvaise estime de soi signifie au contraire qu’on se considère comme quelqu’un qui ne vaut pas grand-chose, qui n’apporte rien, qui ne manquerait à personne, voire, dans les cas les plus extrêmes, on peut en arriver à penser que le monde se porterait mieux sans nous.

L’estime de soi, c’est la considération qu’une personne a pour elle-même.

Vous imaginez sans peine jusqu’où ça peut mener. Une mauvaise estime de soi est caractéristique de la dépression et en constitue souvent la porte d’entrée (Sowislo & Orth, 2013).
Les personnes qui manquent d’estime pour elles-mêmes peuvent aussi avoir tendance à se négliger. Elles cessent de porter attention à leur apparence physique et à leur hygiène de vie, voire même à leur hygiène tout court et à leur santé.
Une mauvaise estime de soi entraîne également souvent une diminution de la confiance en soi, de l’anxiété et des difficultés à s’affirmer.

Bien entendu, tous ces signes sont proportionnels au manque d’estime de soi ressenti. Dans les cas les plus légers, on va « juste » déprimer un peu de temps en temps et passer tout le week-end en pyjama, alors que dans les cas les plus graves, ça peut aller jusqu’au suicide.

Il est donc important d’avoir une bonne estime de soi.
Cependant, attention à ne pas basculer dans le narcissisme. Le narcissisme ressemble à une estime de soi démesurée, mais en réalité il s’agit surtout d’un mécanisme de défense qui masque au contraire une estime de soi défaillante. Une bonne estime de soi, c’est une estime de soi positive, mais aussi une estime de soi solide.

J'ajouterai que si l'estime de soi est nécessaire pour être heureux, elle n'est pas suffisante. Il y a bien d'autres conditions à remplir. Mais disons que si on a une bonne estime de soi on a déjà fait une bonne partie du chemin.
 

Fonctionnement de l'estime de soi

Pour en revenir à William James, selon lui l'estime de soi est le résultat d'une fraction toute simple, dont le numérateur est constitué de nos succès et le dénominateur de nos prétentions.

 
Si vous vous rappelez de vos cours de maths, il y aurait donc deux façons d'améliorer l'estime de soi : en augmentant ses accomplissements, ou alors en diminuant ses prétentions, c'est à dire en renonçant à certaines choses importantes pour nous.

Pour mieux comprendre ce que ça représente, imaginez un axe qui représente l'accomplissement personnel.

Sur cet axe, chaque personne place un premier point là où il estime se trouver actuellement. Ce point correspond à la représentation de son soi actuel. Aujourd'hui, à cet instant t, voilà ce que j'ai accompli.

Forcément, plus on aura le sentiment d'avoir accompli des choses au cours de sa vie, plus ce point sera élevé. Mais pour l'estime de soi, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ça n'a aucune importance. Ce qui compte, c'est la distance qui sépare ce point d'un second, plus haut, qui correspond à nos prétentions.

Ce second point représente ce qu'on aimerait être, autrement dit le soi idéal.

Le soi idéal est composé de tout ce qui a de l'importance à nos yeux. Par exemple le fait d'obtenir tel ou tel diplôme, d'avoir des enfants ou encore d'avoir 50 000 followers sur Instagram.
Du coup, le soi idéal constitue une sélection, dont on exclue tout ce qu’on considère sans importance. Par exemple, dans mon soi idéal à moi, il n'y a rien qui concerne le foot ou la culture. Ce qui fait que j'en ai rien à faire d'avoir deux pieds gauches ou d'être une quiche à questions pour un champion. Je ne me sens pas nul à cause de ça, parce que j’ai choisi d’autres intérêts et ceux là n’affecteront pas mon sentiment de valeur personnelle.
Par contre, si un jour j’apprends que 3/4 des spectateurs de cette vidéo détestent mon travail, là je vais me rouler par terre et pleurer.

Pour en revenir au schéma, plus il y a de distance entre le soi actuel et le soi idéal, autrement dit entre ce qu'on est et ce qu'on voudrait être, et plus l'estime de soi est faible.
Au contraire, plus ces deux points sont proches, ce qui revient à rapprocher le résultat de la fraction de William James de 1, plus l'estime de soi est élevée.

En fait, pour gagner en estime de soi, il n’est pas forcément nécessaire d’augmenter ses accomplissements.
On peut aussi choisir de renoncer à certaines prétentions. Et dans son bouquin, James met particulièrement l'accent sur ce dernier point, en insistant sur le soulagement qu’on ressent lorsqu’on abandonne un but inaccessible, comme la quête pour rester jeune par exemple, et que l’on finit par s’accepter tel qu’on est.

« Comme nous trouvons plaisant le jour où nous abandonnons la lutte pour rester jeunes – ou minces ! Merci mon dieu, disons-nous, ces illusions sont parties. Tout ce que l’on ajoute au Soi est un fardeau autant qu’une vanité. » William James

Avec un exemple, vous verrez que je viens juste d'enfoncer une porte ouverte. Si on imagine une personne qui aspire à se marier, avoir des enfants, un bon niveau de revenus et être propriétaire d'une maison, vous vous doutez que si cette personne atteint ces objectifs elle se sentira bien dans sa peau.
Au contraire, si elle se retrouve seule, sans emploi dans un appartement hlm et sans enfant, elle va forcément avoir une mauvaise estime de soi.

Si on reprend la fraction de James, plus ces deux points sont éloignés, plus le numérateur est faible par rapport au dénominateur, et donc plus le résultat est proche de 0. Au contraire, plus ces deux points sont rapprochés, plus le numérateur se rapproche du dénominateur et donc plus le résultat s'approche de 1.

D'ailleurs au passage, on n'aura jamais plus que 1, parce que pour ça, il faudrait que le numérateur soit plus élevé que le dénominateur. Et ça n'arrive jamais, parce que même dans les cas où l'on atteint nos aspirations, on se débrouille toujours pour en trouver de nouvelles.
 

Comment améliorer l'estime de soi ?

Pour améliorer l'estime de soi, l'idée c'est de rapprocher ces deux points. Donc soit on diminue nos prétentions en renonçant à certains buts, soit on monte le second point.

Dans le premier cas, il s’agira de faire le tri pour trouver ce qui compte vraiment pour vous et laisser de côté ce qui n’est pas si important. Dans le second cas, il s’agira de focaliser votre énergie sur les choses qui comptent vraiment à vos yeux, au lieu de vous disperser sur des choses qui n’ont pas d’importance.

Dans les deux cas, cela demande d’identifier ce qui compte vraiment. Qu’est-ce qui est important pour vous ? Quelle personne aimeriez-vous être ? Vous pourriez essayer de faire une liste, mais à tous les coups, il va y avoir deux problèmes. Soit vous allez oublier des trucs, soit vous allez la remplir de choses qui n’ont pas tant d’importance que ça.

Alors, pour éviter ça, je vais vous montrer une liste de valeurs qui est très fortement inspirée de l’excellent bouquin « guérir l’anxiété » de la collection « pour les nuls. » Dans cette liste, vous allez commencer par choisir les 5 valeurs les plus importantes à vos yeux. Ça va sûrement être difficile d’en choisir seulement 5, mais c’est important que vous respectiez cette limite.
Mettez la vidéo en pause pour bien prendre le temps de choisir, et je vous conseille aussi de les noter quelque-part si vous avez de quoi écrire sous la main. Puis, quand vous aurez choisi les cinq valeurs qui comptent le plus à vos yeux, comparez-les à votre quotidien. Pour ça aussi, mettez la vidéo en pause et prenez le temps de répondre aux questions qui s’affichent à l’écran.

Bien entendu, ça ne suffira pas. Identifier ses valeurs, c’est comme fixer la destination d’un voyage. Une fois que c’est fait, il reste encore tout le chemin à parcourir. Mais au moins, ça vous permettra de vous situer, et surtout, d’éviter de vous perdre.
 

Sources

samedi 15 avril 2017

Quel impact du non-verbal dans la communication ?

La célèbre règle des 3V indique que 55% de la communication passe par le canal visuel, 38% par le canal vocal et seulement 7% par le canal verbal. Comment cette règle a-t-elle été découverte ? Et que vaut-elle vraiment ?

Vous avez certainement déjà entendu parler de la règle des 3V, parce qu'elle est constamment mentionnée par les conseillers en image, les experts de la communication, dans des articles de magazines ou encore par les adeptes de la Programmation Neuro-Linguistique.

Selon cette règle, 55% de la communication serait visuelle, 38% serait vocale et 7% serait verbale.

Personnellement, ces chiffres m’ont toujours paru trop précis pour s'appliquer à toutes les situations de communication. Du coup, j'ai décidé d'enquêter pour savoir d'où ils sortent et comment ils ont été calculés. 


Les trois canaux de la communication

Si on ne rentre pas trop dans les détails, on peut effectivement dire que la communication passe par trois canaux :
  • le canal verbal, qui correspond au contenu du message que vous voulez transmettre, c'est à dire au sens des mots que vous prononcez ;
  • le canal vocal ou auditif, qui correspond à votre façon de prononcer ces mots : notamment le volume de votre voix, le ton sur lequel vous parlez, votre prononciation et votre débit de parole ;
  • et le canal visuel, qui comprend quant-à-lui les expressions faciales, le contact visuel, les gestes, la posture, l'apparence physique, les vêtements, etc.
On pourrait argumenter qu'il existe d'autres éléments qui peuvent influencer la transmission du message, comme le canal olfactif par exemple. Parce que si la personne qui vous parle a une haleine de chiotte, ça va forcément diminuer le poids de ses arguments. Mais bon, on va pas chipoter.

En résumé, le canal verbal véhicule le fond du message, alors que les canaux vocal et visuel sont axés sur sa forme. Donc si on reprend les chiffres de la règle des 3V, lorsque vous parlez le sens de ce que vous dites, le contenu de votre message ne constituerait que 7% du message transmis.

Si cette règle se vérifie, soit ça veut dire que les gens ne captent presque rien à ce que vous racontez, soit il y a une énorme masse d'information non-verbale qui passe en parallèle du message que vous voulez transmettre. Dans les deux cas, ça ne paraît pas réaliste. 
 

Les études de Mehrabian

En fait, ces chiffres très précis viennent de la combinaison des résultats de deux études réalisées par un chercheur du nom d'Albert Mehrabian en 1967.

1ère étude

Dans sa première étude, les sujets écoutaient neuf mots enregistrés :
  • trois avaient une connotation positive (« miel », « cher » et « merci ») ;
  • trois avaient une connotation neutre (« peut-être », « vraiment » et « oh ») ;
  • trois avaient une connotation négative (« non », « brute » et « terrible »).
Ces mots étaient prononcés sur différents tons (positif, négatif ou neutre), et on demandait aux sujets de deviner les émotions ressenties par les personnes qui les prononçaient.

Les résultats de l'expérience ont montré que les sujets se basaient beaucoup plus sur le ton de la voix que sur le sens des mots prononcés pour évaluer l'état d'esprit du locuteur. C’est à dire que si la voix de l’enregistrement disait le mot « brute » sur un ton positif, alors les sujets jugeaient que la personne qui avait prononcé ce mot était d’humeur positive malgré la connotation négative du mot « brute. »

Inversement, si la voix prononçait le mot « miel » sur un ton négatif, les sujets avaient tendance à attribuer à la personne qui avait prononcé ce mot une humeur négative malgré la connotation positive du mot. 

2nde étude

Dans la seconde étude, les sujets avaient également pour instruction d’évaluer l’émotion ressentie par une personne à partir d’un enregistrement. Sauf que cette fois, l’enregistrement ne comportait qu’un seul mot, « peut-être », choisi pour sa neutralité affective. Il n’y avait donc plus d’effet de la signification du mot.

En revanche, comme dans la première étude ce mot pouvait être prononcé de trois façons différentes : positive, neutre ou négative.

Et surtout, l’enregistrement était accompagné d’une photo, censée représenter le visage de la personne qui prononçait ce mot. Sur cette photo, le visage pouvait afficher l’expression d’une émotion positive, neutre, ou négative.

Cette fois-ci, lorsque les sujets évaluaient l’émotion de la personne qui parlait, ils se basaient beaucoup plus sur l’expression de la photo que sur le ton de la voix. Par exemple, si la personne prononçait le mot avec un ton positif mais qu’elle avait une expression négative sur la photo, alors les sujets lui attribuaient une émotion négative.

C’est en combinant les résultats de ces deux expériences que Mehrabian a élaboré la règle des 55-38-7.

Analyse

Je pense qu’à ce stade vous avez remarqué le problème :
  1. Les situations étudiées dans ces deux expériences sont complètement artificielles et loin de la réalité quotidienne.
  2. Les enregistrements ne contiennent pas vraiment de message verbal. Ce n’est pas parce qu’on prononce un mot qu’on envoie un message.
  3. Et surtout, on ne demandait pas aux sujets de retranscrire leur compréhension du message transmis, mais d’évaluer l’émotion du locuteur.
On peut également ajouter à ces critiques un certain nombre de biais méthodologiques : le nombre de sujets participant à l’expérience ridiculement petit, le fait qu’il ne s’agissait que de femmes et l’imprécision des termes « négatif » et « positif » lorsqu’ils qualifiaient le ton de la voix ou l’expression émotionnelle. Parce qu’autant il n’existe pas 36 émotions positives, autant pour le côté négatif, on pourrait en citer un paquet : colère, peur, tristesse, ennui ou mépris par exemple. 

Conclusion

Bref en conclusion, on ne peut pas dire que les valeurs de pourcentages de la règle des 3V soient une vérité absolue.

En fait, Mehrabian lui-même regrette que ses travaux soient aussi mal utilisés. Selon lui, son équation ne peut s’appliquer que dans des conditions similaires à celles de ses expériences, c’est à dire des interactions au cours desquelles les locuteurs communiquent leurs émotions et leurs sentiments. En dehors de ce contexte, ces chiffres sont évidemment inexacts. Pour s’en convaincre, rien de plus simple, il suffit d’essayer de faire passer n’importe quel message autre qu’émotionnel de façon non-verbale. Par exemple, la date de la Révolution française ou le nom de votre animal de compagnie. C’est impossible. 

J’ajouterai que ça ne rime à rien de diviser la communication en pourcentages. Dire que tel ou tel canal véhicule tant de pourcents de l’information n’a aucun intérêt. Ce qui compte vraiment, c’est la cohérence entre ces canaux.
 

La cohérence

Si un homme rentre d’une consultation chez le médecin et qu’il dit à sa femme que tout va bien avec un air triste, il y a incohérence entre ce qu’il dit verbalement et ce que son langage non-verbal envoie. D’un côté il dit que tout va bien, mais de l’autre, son corps envoie un signal complètement différent : quelque-chose le rend triste. 

Peut-être que ça n’a rien à voir avec sa consultation chez le médecin. Peut-être qu’il vient de se rappeler un mauvais souvenir. Ou peut-être qu’il a reçu un message de son patron qui lui a annoncé qu’il est viré. Ou peut-être encore qu’il vient de lire les résultats des primaires à droite dans les actualités. Mais dans tous les cas, si sa femme perçoit une incohérence entre ce qu’il dit et son comportement non-verbal, elle jugera que c’est son corps qui dit la vérité. Et elle aura raison. Après, quant à savoir ce qui rend triste son mari, c’est une autre histoire. Dans ce cas, l’hypothèse la plus probable est que le médecin lui a annoncé une mauvaise nouvelle. Mais pour s’en assurer, il faudra le questionner.

C’est ce phénomène que reflètent les pourcentages de la règle des 3V de Mehrabian. On pourrait donc la reformuler ainsi : Quand les gens détectent une incohérence entre le message émis verbalement et le comportement non-verbal, dans une immense majorité des cas ils préfèrent se fier à ce dernier. 

L’impact du non-verbal dans la communication est donc réellement décisif, même s’il est difficile à évaluer. 

D’ailleurs, on s’en rend bien compte quand il nous manque. Quand on parle au téléphone par exemple, on est privé du canal visuel et une partie de ce qu’envoie notre interlocuteur nous manque.
Mais le pire reste la communication écrite, pour laquelle on est même privés du canal vocal. Aucune information non-verbale ne pouvant circuler, la communication écrite peut vite être sujette à malentendus.

C’est peut-être à cause de ce genre de malentendus que Scott Fahlmann, le 19 septembre 1982 aurait écrit le message suivant à ces collaborateurs : «Je propose d’utiliser la séquence de lettres suivante pour indiquer les blagues : :-) »

Les smileys étaient nés. Et leur succès illustre bien à quel point nous avons besoin du langage non-verbal pour fluidifier les rapports sociaux.
 

Sources :

  • Atkinson, M. (2009, August 24). Mehrabian's moans about the myth. Retrieved November 27, 2016, from http://maxatkinson.blogspot.fr/2009/08/mehrabians-moans-about-myth.html
  • Beaulieu, L. (2012, September 19). Les smileys ont 30 ans, et leur créateur n'est pas content ;). Retrieved November 29, 2016, from http://www.slate.fr/lien/61975/smileys-ont-30-ans
  • Mehrabian, A., & Ferris, S. R. (1967). Inference of attitudes from nonverbal communication in two channels. Journal of consulting psychology, 31(3), 248.
  • Mehrabian, A., & Wiener, M. (1967). Decoding of inconsistent communications. Journal of personality and social psychology, 6(1), 109.
 

Pour aller plus loin :

En fait, il semble que le canal qui transmet la connotation négative est celui à qui se fie la personne qui reçoit le message, que ce canal soit verbal ou non (Bugental, 1970, 1972, 1974). Ce ne serait donc pas un canal de communication qui serait privilégié par rapport à un autre, mais le contenu du message transmis.

Il semble également que plus il y a de mots (plus le message est long et complexe) et plus on accorde d'importance au canal verbal (Cline, 1972).
On accorde également plus d'importance au canal verbal quand il s'agit de porter un jugement cognitif plutôt qu'émotionnel envers la personne qui parle (Friedman, 1978).
Si on demande aux observateurs de juger si la personne qui parle est honnête ou si elle ment, là aussi on fait plus confiance au canal verbal (Kraut, 1978; Krauss, 1981).
Le sexe de la personne qui parle, de même que le sexe de la personne qui écoute, influence l'importance relative donnée à tel ou tel canal (Argyle, 1970; Rosenthal, 1979; Noller, 1980).
  • Argyle, M., Salter, V., Nicholson, H., Williams, M., & Burgess, P. (1970). The Communication of Inferior and Superior Attitudes by Verbal and Non‐verbal Signals. British journal of social and clinical psychology, 9(3), 222-231.
  • Bugental, D. E., Kaswan, J. W., & Love, L. R. (1970). Perception of contradictory meanings conveyed by verbal and nonverbal channels. Journal of Personality and Social Psychology, 16(4), 647.
  • Bugental, D. E., Love, L. R., & Kaswan, J. W. (1972). Videotaped family interaction: Differences reflecting presence and type of child disturbance. Journal of Abnormal Psychology, 79(3), 285.
  • Bugental, D. E. (1974). Interpretations of naturally occurring discrepancies between words and intonation: Modes of inconsistency resolution. Journal of Personality and Social Psychology, 30(1), 125.
  • Cline, V. B., Atzet, J., & Holmes, E. (1972). Assessing the validity of verbal and nonverbal cues in accurately judging others. Small Group Research, 3(4), 383-394.
  • Friedman, H. S. (1978). The relative strength of verbal versus nonverbal cues. Personality and Social Psychology Bulletin, 4(1), 147-150.
  • Krauss, R. M., Apple, W., Morency, N., Wenzel, C., & Winton, W. (1981). Verbal, vocal, and visible factors in judgments of another's affect. Journal of Personality and Social Psychology, 40(2), 312.
  • Kraut, R. E. (1978). Verbal and nonverbal cues in the perception of lying. Journal of personality and social psychology, 36(4), 380.
  • Noller, P. (1980). Misunderstandings in marital communication: A study of couples' nonverbal communication. Journal of Personality and Social Psychology, 39(6), 1135.
  • Rosenthal, R., & DePaulo, B. M. (1979). Sex differences in eavesdropping on nonverbal cues. Journal of Personality and Social Psychology, 37(2), 273.