vendredi 13 novembre 2015

De la psychologie et des grosses balles



George Scott, un joueur de baseball de l'équipe des Red Sox de Boston, a dit un jour ‘‘Quand vous jouez bien, la balle vient à vous grosse comme un pamplemousse. Quand vous jouez mal, elle ressemble à un black eyed pea."
Non mais pas le groupe de musique, c'est le nom anglais pour cornille, ou haricot niébé.
C'est un haricot à graines de taille moyenne en forme de rognon. Il est fréquemment utilisé dans la cuisine chypriote, et aussi dans la cuisine portugaise. Il peut se consommer chaud ou en salade.

OK donc qu'est-ce que je disais déjà ?
Donc ce que George Scott voulait dire, c'est que quand il jouait mal, la balle semblait toute petite. Alors que quand il jouait bien, il avait l'impression qu'elle était plus grosse que d'habitude.

Ce n'est pas le seul joueur à avoir remarqué ce phénomène. Il arrive souvent que les joueurs de baseball ou de tennis, après un bon match, disent qu'ils ont eu l'impression que la balle était plus grosse qu'en réalité.
Pour les joueurs de basket ou de golf, c'est la cible, c'est à dire le panier ou le trou, qui semble plus grande et donc plus facile à atteindre.

La question est de savoir jusqu'où va cette illusion. Est-ce que les bons joueurs disent ça juste comme ça ou est-ce qu'il s'agit vraiment d'une réalité psychologique ?
 

L'expérience

Pour le savoir, des chercheurs ont interrogé 47 joueurs de softball après un match. Le softball, ou balle molle comme on dit au Québec, c'est un genre de baseball mais avec une balle plus grosse et une batte plus petite.

Les chercheurs ont montré aux joueurs des cercles noirs de différentes tailles et leur ont demandé d'évaluer celui qui correspondait aux dimensions d'une balle de softball.

Et ce qui s'est passé, c'est que les joueurs qui venaient de faire un bon match ont estimé la balle comme significativement plus grosse que ceux qui avaient fait un mauvais match.

Deux explications possibles

Impossible de savoir exactement ce qui se passe dans le cerveau des joueurs. Notamment, on ne peut pas dire avec certitude si c'est le fait de percevoir la balle comme plus grosse qui rend les joueurs meilleurs ou si c'est le fait d'avoir bien joué qui donne l'impression que la balle était plus grosse.

Une explication possible est que le cerveau des bons joueurs est si focalisé sur la balle qu'elle occupe tout leur champ visuel. Une explication qui cadrerait avec le phénomène du flow décrit par Mihaly Csikszentmihalyi.
La plupart d'entre vous a sans doute déjà vécu une expérience de flow : au travail, en sport, en jouant à un jeu vidéo ou même au lit avec un ou une partenaire. Si c'est le cas, vous comprendrez tout de suite de quoi je parle et si c'est pas le cas, vous êtes passé à côté de quelque-chose.
Quand le flow est à son paroxysme, la concentration sur ce qu'on fait est maximale, on réussit tout ce qu'on fait avec facilité et on éprouve une sensation de bien-être parfois accompagnée d'une distorsion du temps.
Quand on vit une expérience de flow, la concentration sur ce qu'on fait est si forte que le monde pourrait s'écrouler autour de nous sans qu'on le remarque. C'est comme si l'attention se focalisait exclusivement sur la tâche en cours comme un projecteur et que l'esprit éliminait de son champ de conscience tout ce qui ne lui sert à rien pour y arriver.
Si on suppose que les bons joueurs de l'expérience étaient plus proches de l'état de flow que les mauvais joueurs, on peut imaginer que la balle occupait une si grande place dans leur champ de conscience qu'elle semblait plus grosse qu'en réalité.

Une autre explication impliquerait non pas la perception de la balle, mais la mémoire. En simplifiant un peu, grosso modo le cerveau se dirait après le match : "si j'ai si bien réussi à taper la balle, c'est qu'elle était facile à atteindre." Et cela le conduirait à surestimer a posteriori, c'est à dire après le match, la taille de la balle.

Pour l'instant on ne sait pas laquelle de ces deux explications est la bonne. Peut-être même qu'il y a une autre interprétation possible de ces résultats à laquelle on n'a pas encore pensé. 

Mais ce n'est pas le plus important. Si je vous parle de cette étude, c'est pour une très bonne raison. Une très bonne raison que je n'ai pas encore trouvée. Oui parce qu'en fait je n'ai absolument aucune idée de ce à quoi ça peut servir dans la vie de savoir que quand on joue bien on perçoit les balles comme plus grosses que quand on joue mal.

Bref on a fait le tour du sujet. On se retrouve bientôt. Et d'ici là, vu le sujet de la vidéo d'aujourd'hui ce n'est pas la peine de prendre le temps d'y penser.

"Le golf consiste à mettre une balle de 4 cm de diamètre sur une boule de 40.000 km de tour et à frapper la petite, non la grande." Winston Churchill

Sources