mercredi 11 décembre 2013

Walter Mitty : la rêverie est-elle bonne pour le cerveau ?



La vie secrète de Walter Mitty, dont le film tiré du roman éponyme sort en salle prochainement, raconte la transformation d'un homme commun, effacé, timide, seul (Ben Stiller) en ce qu'il a toujours rêvé de devenir : un aventurier.

Au début du film, Walter Mitty passe le plus clair de son temps à rêver sa vie. Il s'imagine souvent en héros courageux, à vivre des aventures palpitantes qui se terminent toujours de la même manière. A chaque fois Cheryl (Kristen Wiig), la femme à qui il voue un amour inavoué, tombe dans ses bras.

Le problème, c'est qu'à force de rêver, Walter passe à côté de sa vie. Par exemple, dans la scène où il se trouve à un arrêt du métro, il s'imagine en train de sauter dans un immeuble en flammes pour sauver un mignon petit chien sous les yeux éblouis de Cheryl. Quand il revient à lui, le métro qu'il attendait vient de quitter le quai, sans lui.
 

Walter Mitty est un esprit errant !

Dr Who : "Quoi ???"
QUOI ???

Oui, l'esprit de Walter Mitty erre. Et non, par là je ne viens pas de dévoiler un monstrueux spoiler qui révèlerait la fin du film. Rien à voir avec un spectre hantant notre monde.
Par esprit errant, je veux dire un esprit qui divague, un esprit dont les pensées ne sont pas centrées sur les exigences présentes de l'environnement. Une traduction approximative de ce qu'on appelle en anglais un wandering mind. En somme, c'est le contraire d'un esprit concentré sur le moment présent.

 Ah d'accord, je comprends ! Tous les trucs géniaux que j'apprends dans cet article bouillonnent dans mon cerveau !

Le phénomène de mind wandering est bien plus fréquent qu'on ne l'imagine puisqu'en moyenne l'être humain laisse son esprit divaguer 47% du temps.

Mais il y a plusieurs manières de laisser errer son esprit : repenser à des souvenirs, ressasser des soucis, stresser parce qu'on a pas fini ses courses de Noël et se demander comment on va s'y prendre, etc. Mais le phénomène sur lequel la vie secrète de Walter Mitty met l'accent est une façon bien particulière que trouve l'esprit pour s'échapper, qu'on appelle en anglais le daydreaming.

En français, ce terme signifie littéralement "rêve diurne," mais on le traduit plus souvent par rêve éveillé ou rêverie, voire par les expressions "avoir la tête dans les nuages" ou "être dans sa bulle".

Avoir la tête dans les nuages, le pour et le contre

Une liste des pours et des contres ? Ted Mosby serait fier.

Le daydreaming effraie beaucoup de parents, qui craignent que leurs enfants ne s'enferment dans un monde imaginaire et perdent le contact avec la réalité. Cependant, comme l'explique Yann Leroux, imaginer empêche de confondre la réalité et l'imaginaire. Cette inquiétude n'a donc pas lieu d'être. C'est plutôt du manque d'imagination des enfants dont il faut s'inquiéter.

Rêverie et attention

En revanche, il a été démontré qu'un esprit qui se laisse embarquer dans ses pensées est moins attentif à l'environnement. Le passage du film lors duquel Walter rate son métro parce qu'il est noyé dans ses pensées en est un bon exemple. Se laisser aller à rêver engendre donc une baisse temporaire de la concentration.

Dans la plupart des situations, ce n'est pas un problème. Mais il faut savoir que réussir à s'extirper de ses rêveries pour se concentrer sur une tâche est plus difficile pour les enfants souffrant de ce qu'on appelle un trouble déficit de l'attention / hyperactivité.

Le problème dans ce cas n'est pas la rêverie en elle-même, mais le fait d'en être "victime". C'est à dire de ne pas savoir contrôler son attention. En conséquence, la rêverie peut avoir lieu à des moments inappropriés. Notamment en classe, alors que l'enfant devrait écouter la leçon. Dans ces cas là le niveau scolaire peut être affecté.
 
Sans aller jusque-là, se laisser aller à la rêverie peut conduire tout un chacun à des étourderies ("Mais où sont passées mes clés ?") et à une moindre disponibilité à l'environnement, en particulier aux personnes qui nous entourent.
 
Si d'aventure le fait de rêver éveillé(e) vous pose de tels problèmes, sachez que des techniques existent pour apprendre à discipliner son esprit, comme le yoga et la méditation mindfulness ou pleine conscience.

Rêverie et humeur

Laisser errer son esprit : mauvais pour le moral ?
Laisser son esprit divaguer, ce n'est pas bon pour le moral. Le film le montre très bien. Lorsque Walter imagine qu'il est un aventurier du froid et qu'il séduit sa collègue de bureau, cela ne fait que mettre en évidence le décalage entre ce qu'il est et ce qu'il aimerait être. Sachant que plus ce décalage est grand, plus l'estime de soi est faible.

Un constat qui doit cependant être nuancé, puisque dans son excellent livre Flow: the psychology of optimal experience, Mihaly Csikszentmihalyi (essayez de prononcer son nom à voix haute !) donne plusieurs exemples de personnes trouvant du plaisir à développer une vie mentale riche.

Rêverie et créativité

Les personnes qui sont plus promptes à la rêverie diurne sont aussi plus créatives. La rêverie diurne, loin d'être improductive, permet d'imaginer de nouvelles possibilités et de trouver des solutions à des problèmes plus facilement que si l'esprit s'acharnait dessus. Un peu comme le docteur House, qui trouve toujours le bon diagnostic alors qu'il pense à tout autre chose.
 
Conclusion, la rêverie n'est néfaste que si elle constitue une alternative à la réalité dans laquelle on se laisse enfermer.
Tant qu'elle n'empêche pas de vivre sa vie, voire même lorsqu'elle participe à l'émergence de nouveaux projets, elle devient positive. Mais pour cela, encore faut-il pouvoir suffisamment discipliner son esprit pour en faire un allié.

"Ne rêvons pas notre vie : faisons-la. Ne nous payons pas de mots : aimons." L'abbé Pierre


La vie secrète de Walter Mitty, le 1er janvier 2014 au cinéma

vendredi 6 décembre 2013

Comment réduire l'impact de nos pensées négatives ?


Cliquez sur les images pour faire avancer le diaporama ci-dessus.

La défusion cognitive

Distinguer les pensées de la réalité


La défusion cognitive est un concept qui nous vient de l'ACT, pour Acceptance and Commitment Therapy. Autrement dit Thérapie d'Acceptation et d'Engagement.

Il s'agit de l'un des six processus sur lesquels repose cette méthode de thérapie.

Avant la défusion... la fusion


Lorsque nous craignons que quelque-chose se produise, au lieu d'identifier nos pensées anxiogènes comme ce qu'elles sont, c'est à dire seulement des pensées, nous les vivons exactement comme si l'événement redouté se produisait réellement.

C'est ce phénomène qu'on appelle la "fusion cognitive." Car quand il se produit, les pensées semblent avoir "fusionné" avec ce à quoi elles font référence.

Exemple : je participe à une réunion professionnelle. J'ai envie d'exprimer une idée mais je me demande si les autres ne vont pas la trouver stupide. Avant même de parler, je vais me sentir complètement idiot. Comme si on me disait réellement que mon idée est stupide, alors que tout cela n'est qu'une prévision issue de mon imagination. Et je risque d'avoir trop honte pour prendre la parole.

Autre exemple : les souvenirs douloureux. A chaque fois qu'on se remémore un souvenir douloureux, on ressent les mêmes émotions que si on vivait réellement la scène.

La fusion cognitive est la tendance à considérer le contenu de ses pensées comme s'il était le reflet exact de la réalité.

Mais cela revient à confondre imagination et réalité.

Qu'est-ce que la défusion cognitive ?

La fusion cognitive consiste à enrayer le phénomène de fusion, en se détachant de ses pensées, les observant de l'extérieur.
Il ne s'agit pas d'effacer les pensées indésirables, mais plutôt de supprimer leurs conséquences négatives.

Quelques techniques de défusion cognitive

Exemple de technique n°1 : chanter
Choisissez une pensée négative et chantez-la sur un air joyeux, jusqu'à ce qu'elle perde son impact négatif.

Exemple : vous avez peur d'échouer à un examen. Chantez "j'vais échouer à cet exaaaaameeeeen !" sur l'air de joyeux anniversaire.

Une variante de cette technique consiste à prononcer ses pensées à voix haute avec une voix ridicule. Comme par exemple la voix de Donald Duck.

Bien sûr, pour utiliser ces techniques mieux vaut être seul(e).

Autre technique : la prise de distance
Lorsqu'une pensée indésirable se présente, il s'agit de la reformuler en la faisant précéder de "j'ai la pensée que..."

"Je vais échouer à cet examen" deviendra "j'ai la pensée que je vais échouer à cet examen."
"Je ne suis pas quelqu'un de séduisant(e)" deviendra "j'ai la pensé que je ne suis pas quelqu'un de séduisant(e)."
"Mes collègues ont trouvé mon idée ridicule" deviendra "j'ai la pensée que mes collègues ont trouvé mon idée ridicule."

Cette technique, comme la précédente, vise à faire perdre de la force aux pensées indésirables.


Vous pouvez même inventer la vôtre.