En 2014, une famille anglaise a dû évacuer son domicile après avoir acheté des bananes à l'épicerie du coin. Les bananes hébergeaient des spécimens d'une araignée potentiellement mortelle : la phoneutria nigriventer. Ces araignées se sont répandues et ont pondu des œufs dans tout l'appartement, qui a dû être décontaminé par des professionnels.
Depuis que j'ai appris ça, j'inspecte toutes les bananes que je mange avec attention.
Il existe des phobies à propos de tout et n'importe quoi. L'éventail va des peurs les plus communes, comme l'arachnophobie ou la claustrophobie, jusqu'à des craintes plus étranges, comme la carminophobie, qui consiste en la phobie de... péter.
Le truc, c'est qu'avec la bonne méthode, on peut conditionner n'importe qui à avoir peur de n'importe quoi. En 1920, John Broadus Watson et son assistante Rosalie Rayner décident de conditionner le petit Albert, un enfant âgé de neuf mois, à avoir peur des rats blancs.
Au départ, les chercheurs commencent bien évidemment par vérifier qu'Albert n'a pas déjà peur des rats blancs. Ils lui en présentent un, avec lequel l'enfant joue sans aucune crainte. Le rat ne déclenchant aucune peur, il joue le rôle de stimulus neutre.
En revanche, comme tous les enfants de neuf mois, Albert est terrorisé par les bruits brusques. Les chercheurs vont donc utiliser le son d'un choc métallique comme stimulus inconditionnel, c'est à dire un stimulus qui déclenche systématiquement une réponse réflexe, en l’occurrence la peur.
C'est à ce moment que les affaires se corsent pour le petit Albert, car pour lui inculquer la peur du rat blanc, les chercheurs vont associer les deux stimuli. A chaque fois que l'enfant touche l'animal, Watson frappe violemment une barre métallique avec un marteau pour le terroriser. Et ça marche. Invariablement, l'enfant se met à hurler de peur en pleurant.
Mais surtout, au bout d'un certain temps, le bruit métallique n'est plus nécessaire. Le rat est devenu un stimulus conditionnel, c'est à dire qu'à chaque fois que les chercheurs présentent le rat au petit Albert, même sans le bruit métallique, l'enfant se met à flipper et essaye de s'échapper.
Mais surtout, au bout d'un certain temps, le bruit métallique n'est plus nécessaire. Le rat est devenu un stimulus conditionnel, c'est à dire qu'à chaque fois que les chercheurs présentent le rat au petit Albert, même sans le bruit métallique, l'enfant se met à flipper et essaye de s'échapper.
En d'autres termes, le pauvre petit Albert est devenu phobique des rats blancs.
Avec cette méthode, qui s'appelle le conditionnement classique ou encore conditionnement pavlovien, on peut fabriquer n'importe quelle phobie imaginable. On peut même conditionner des gens à avoir peur de formes géométriques.
En fait, beaucoup de phobies se produisent accidentellement par ce processus. Pas toutes, parce qu'il y a d'autres moyens d'acquérir une phobie, mais beaucoup.
Le cas classique, c'est la personne qui fait un malaise vagal parce qu'elle est fatiguée, stressée ou qu'elle a bu trop de café. Faire un malaise vagal, la plupart du temps ce n'est pas très grave, mais par contre c'est très angoissant à vivre, surtout quand on ignore ce qui nous arrive. Donc ça joue le rôle de stimulus inconditionnel, comme le coup de marteau sur la barre de fer dans l'expérience du petit Albert.
Le stimulus neutre, l'équivalent du rat blanc, c'est la situation dans laquelle le malaise s'est produit. Peu importe ce que c'est, ça peut être au volant de sa voiture, pendant un repas de famille ou lors d'un discours devant trois cent personnes.
Au départ, cette situation ne générait pas d'anxiété particulière, mais après avoir fait un malaise vagal, le cerveau associe cette situation à un danger. Et c'est comme ça que certaines personnes se retrouvent phobiques de conduire, des repas de famille ou de faire un discours.
Bref, voilà comment beaucoup de phobies démarrent. Mais ça n'explique pas pourquoi certaines phobies sont plus courantes que d'autres. En particulier, pourquoi la peur des araignées et des serpents est si répandue alors que les araignées et les serpents dangereux sont plutôt rares en occident comparativement aux accidents de voiture, aux incendies ou aux agressions à l'arme blanche.
Arne Ohman, un chercheur suédois, a émis l'hypothèse selon laquelle certaines phobies seraient ancrées dans notre mémoire génétique. C'est à dire qu'elles seraient héritées de notre évolution. Oui parce que l'évolution ne façonne pas seulement notre corps, mais aussi notre esprit. En d'autres termes, si on a si fréquemment peur des araignées, ce serait parce qu'à l'époque de l'homme des cavernes ceux qui avaient peur des araignées avaient plus de chances de survivre que ceux qui n'en avaient pas peur et qui n'hésitaient pas à s'en approcher.
Nos ancêtres naturellement plus flippés des araignées auraient eu plus de chances de survie, et donc plus de chances de se reproduire et de transmettre leurs gènes, dont ceux qui provoquent la peur des araignées. Ce qui fait que leurs descendants auraient eu peur des araignées et ainsi de suite jusqu'à nous : vous et moi.
Pour tester cette hypothèse, Ohman a mis au point une série d'expériences où il a conditionné des sujets à l'aide de chocs électriques à avoir peur d'objets divers et variés, comme des fleurs, des champignons, des formes géométriques ainsi que des serpents et des araignées.
Pour ça il leur montrait une série d'images, et à chaque fois que l'image représentait un des ces trucs, les sujets recevaient un choc électrique.
Les phobies n'ont pas tarder à apparaître, mais deux stimuli se sont distingués des autres : les images de serpents et d'araignées. Déjà, il suffisait d'un seul choc électrique pour commencer à provoquer la phobie d'un serpent ou d'une araignée. Et en plus, la phobie des formes géométriques, des fleurs et des champignons finissait tôt ou tard par s'estomper si on arrêtait d'associer ces stimuli aux chocs électriques, alors que la phobie des serpents et des araignées persistait.
En gros, une fois conditionnés, si on arrêtait les chocs électriques à chaque fois qu'on montrait les images, la peur des formes géométriques, des fleurs et des champignons s'estompait, alors que celle des araignées et des serpents restait.
Un effet qu'on ne retrouvait pas avec d'autres stimuli dangereux, comme des armes à feu par exemple. Contrairement aux araignées et serpents, créer une phobie des armes à feu n'est pas plus facile que créer la phobie d'une fleur.
L'hypothèse du chercheur semblait confirmée. S'il est si facile de créer une phobie des serpents et des araignées et si difficile de s'en débarrasser, c'est parce que notre cerveau est prédisposé à les éprouver. Ces phobies sont déjà inscrites dans nos instincts et l'expérience n'a fait que les réveiller.
Notez que tout le monde n'est pas d'accord avec cette interprétation. Bon ce qui est sûr, c'est que ça n'explique pas tout. Si tout dépendait de notre héritage génétique, on serait tous flippés pareil devant une araignée ou un serpent. Mais ce n'est pas le cas. En fait, c'est tout simplement parce que notre cerveau est capable de s'adapter, de comprendre qu'on ne risque rien et de surmonter ses instincts qui le poussent à craindre les araignées.
C'est un peu comme garder la ligne. Notre cerveau nous pousse à manger des aliments riches en calories parce qu'à l'époque de l'homme des cavernes c'était un avantage pour la survie, mais certains d'entre nous réussissent à manger sainement et à garder la ligne.
Pour la peur, c'est pareil. De même que certains dépassent facilement leur peur du vide et font du saut en parachute, certaines personnes hébergent des mygales comme animaux de compagnie.
Et d'ailleurs parfois elles s'échappent et vont visiter. Un peu comme cette fois où un couple d'étudiants à Lille a vu débarquer trois mygales de la taille d'une grosse main dans son salon.
Ou encore quand un spécimen de l'araignée Goliath, une mygale qui peut atteindre 30 centimètres d'envergure (grande comme une grosse assiette) a été découverte dans un jardin du Jura.
OK je vais m'arrêter là parce que sinon je sens que je vais vous déclencher une phobie.
On se retrouve bientôt pour une nouvelle vidéo. Cette fois je ne vais pas annoncer le sujet que j'aborderai parce qu'à chaque fois que je le fais après ça me soûle et j'ai envie de changer.
Par contre, comme d'habitude je vais mendier pour que vous partagiez cette vidéo si elle vous a plu. Pour vous ça prendra seulement quinze secondes et pour moi ça me permettra de faire vivre la chaîne.
Ciao tout le monde, et à la semaine prochaine.
Sources
France Bleu - 12/03/2014 - Une famille britannique fuit sa maison infestée d'araignées venimeusesWikipedia - Little Albert Experiment
Öhman, A. (1993). Fear and anxiety as emotional phenomena: Clinical phenomenology, evolutionary perspectives, and information processing mechanisms. In M. Lewis & J. M. Haviland (Eds.) Handbook of emotions (pp. 511–536). New York: Guilford Press.
La voix du Nord - 28/02/2009 - Trois mygales en balade dans un immeuble lillois
L'Est républicain - 06/05/2015 - une mygale d'amazonie découverte dans un jardin du Jura
En effet, on a peur de tous types d'insectes ! Là je parle de moi, peut être un genre de phobie !!!
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