En 1890, William James publie un livre intitulé Principes de psychologie. Le bouquin est énorme. Il fait plus de 1300 pages. Autant vous dire que je n’ai pas eu le courage de tout lire. D’autant plus que pour moi, William James c’est un peu le Aristote de la psychologie.
Mais comme même une
horloge cassée donne la bonne heure deux fois par jour, il y a
quand-même une phrase parmi les 1300 pages de cet ouvrage qui a
retenu l’attention des psychologues. Cette phrase, glissée presque
furtivement au milieu du pavé, concerne le fonctionnement de
l’estime de soi.
Le rôle de l’estime de soi
On peut définir l’estime de soi comme la considération qu’on a pour soi-même.
Autant dire que c’est important, parce que si on n’aime pas quelqu’un, on n’est pas forcément obligé de le supporter toute la journée. Mais si on ne s’aime pas soi-même, si on n’aime pas ce qu’on est, les conséquences sont plus graves...
Autant dire que c’est important, parce que si on n’aime pas quelqu’un, on n’est pas forcément obligé de le supporter toute la journée. Mais si on ne s’aime pas soi-même, si on n’aime pas ce qu’on est, les conséquences sont plus graves...
Quand on a une bonne
estime de soi, ça revient à se considérer comme quelqu’un de
bien, de valable. Une mauvaise estime de soi signifie au contraire
qu’on se considère comme quelqu’un qui ne vaut pas grand-chose,
qui n’apporte rien, qui ne manquerait à personne, voire, dans les
cas les plus extrêmes, on peut en arriver à penser que le monde se
porterait mieux sans nous.
L’estime
de soi, c’est la considération qu’une personne a pour elle-même.
Vous imaginez sans
peine jusqu’où ça peut mener. Une mauvaise estime de soi est
caractéristique de la dépression et en constitue souvent la porte
d’entrée (Sowislo & Orth, 2013).
Les personnes qui
manquent d’estime pour elles-mêmes peuvent aussi avoir tendance à
se négliger. Elles cessent de porter attention à leur apparence
physique et à leur hygiène de vie, voire même à leur hygiène
tout court et à leur santé.
Une mauvaise estime
de soi entraîne également souvent une diminution de la confiance en
soi, de l’anxiété et des difficultés à s’affirmer.
Bien entendu, tous
ces signes sont proportionnels au manque d’estime de soi ressenti.
Dans les cas les plus légers, on va « juste » déprimer
un peu de temps en temps et passer tout le week-end en pyjama, alors
que dans les cas les plus graves, ça peut aller jusqu’au suicide.
Il est donc
important d’avoir une bonne estime de soi.
Cependant, attention
à ne pas basculer dans le narcissisme. Le narcissisme ressemble à
une estime de soi démesurée, mais en réalité
il s’agit surtout d’un mécanisme de défense qui masque au
contraire une estime de soi défaillante. Une bonne estime de soi,
c’est une estime de soi positive, mais aussi une estime de soi
solide.
J'ajouterai que si
l'estime de soi est nécessaire pour être heureux, elle n'est pas
suffisante. Il y a bien d'autres conditions à remplir. Mais disons
que si on a une bonne estime de soi on a déjà fait une bonne partie
du chemin.
Fonctionnement de l'estime de soi
Pour en revenir à
William James, selon lui l'estime de soi est le résultat d'une
fraction toute simple, dont le numérateur est constitué de nos
succès et le dénominateur de nos prétentions.
Si vous vous
rappelez de vos cours de maths, il y aurait donc deux façons
d'améliorer l'estime de soi : en augmentant ses
accomplissements, ou alors en diminuant ses prétentions, c'est à
dire en renonçant à certaines choses importantes pour nous.
Pour mieux
comprendre ce que ça représente, imaginez un axe qui représente
l'accomplissement personnel.
Sur cet axe, chaque
personne place un premier point là où il estime se trouver
actuellement. Ce point correspond à la représentation de son soi
actuel. Aujourd'hui, à cet instant t, voilà ce que j'ai accompli.
Forcément, plus on
aura le sentiment d'avoir accompli des choses au cours de sa vie,
plus ce point sera élevé. Mais pour l'estime de soi, contrairement
à ce qu’on pourrait imaginer, ça n'a aucune importance. Ce qui
compte, c'est la distance qui sépare ce point d'un second, plus
haut, qui correspond à nos prétentions.
Ce second point
représente ce qu'on aimerait être, autrement dit le soi idéal.
Le soi idéal est
composé de tout ce qui a de l'importance à nos yeux. Par exemple le
fait d'obtenir tel ou tel diplôme, d'avoir des enfants ou encore
d'avoir 50 000 followers sur Instagram.
Du coup, le soi
idéal constitue une sélection, dont on exclue tout ce qu’on
considère sans importance. Par exemple, dans mon soi idéal à moi,
il n'y a rien qui concerne le foot ou la culture. Ce qui fait que
j'en ai rien à faire d'avoir deux pieds gauches ou d'être une
quiche à questions pour un champion. Je ne me sens pas nul à cause
de ça, parce que j’ai choisi d’autres intérêts et ceux là
n’affecteront pas mon sentiment de valeur personnelle.
Par contre, si un
jour j’apprends que 3/4 des spectateurs de cette vidéo détestent
mon travail, là je vais me rouler par terre et pleurer.
Pour en revenir au
schéma, plus il y a de distance entre le soi actuel et le soi idéal,
autrement dit entre ce qu'on est et ce qu'on voudrait être, et plus
l'estime de soi est faible.
Au contraire, plus
ces deux points sont proches, ce qui revient à
rapprocher le résultat de la fraction de William James de 1, plus l'estime de soi est élevée.
En
fait, pour gagner en estime de soi, il n’est pas forcément
nécessaire d’augmenter ses accomplissements.
On
peut aussi choisir de renoncer à certaines prétentions. Et
dans son bouquin, James met particulièrement l'accent sur ce
dernier point, en insistant sur le soulagement qu’on ressent
lorsqu’on abandonne un but inaccessible, comme la quête pour
rester jeune par exemple, et que l’on finit par s’accepter tel
qu’on est.
« Comme
nous trouvons plaisant le jour où nous abandonnons la lutte pour
rester jeunes – ou minces ! Merci mon dieu, disons-nous, ces
illusions sont parties. Tout ce que l’on ajoute au Soi est un
fardeau autant qu’une vanité. » William James
Avec un exemple,
vous verrez que je viens juste d'enfoncer une porte ouverte. Si on
imagine une personne qui aspire à se marier, avoir des enfants, un
bon niveau de revenus et être propriétaire d'une maison, vous vous
doutez que si cette personne atteint ces objectifs elle se sentira
bien dans sa peau.
Au contraire, si
elle se retrouve seule, sans emploi dans un appartement hlm et sans
enfant, elle va forcément avoir une mauvaise estime de soi.
Si on reprend la
fraction de James, plus ces deux points sont éloignés, plus le
numérateur est faible par rapport au dénominateur, et donc plus le
résultat est proche de 0. Au contraire, plus ces deux points sont
rapprochés, plus le numérateur se rapproche du dénominateur et
donc plus le résultat s'approche de 1.
D'ailleurs au
passage, on n'aura jamais plus que 1, parce que pour ça, il faudrait
que le numérateur soit plus élevé que le dénominateur. Et ça
n'arrive jamais, parce que même dans les cas où l'on atteint nos
aspirations, on se débrouille toujours pour en trouver de nouvelles.
Comment améliorer l'estime de soi ?
Pour améliorer
l'estime de soi, l'idée c'est de rapprocher ces deux points. Donc
soit on diminue nos prétentions en renonçant à certains buts, soit
on monte le second point.
Dans le premier cas,
il s’agira de faire le tri pour trouver ce qui compte vraiment pour
vous et laisser de côté ce qui n’est pas si important. Dans le
second cas, il s’agira de focaliser votre énergie sur les choses
qui comptent vraiment à vos yeux, au lieu de vous disperser sur des
choses qui n’ont pas d’importance.
Dans
les deux cas, cela demande d’identifier ce qui compte vraiment.
Qu’est-ce qui est important pour vous ? Quelle personne
aimeriez-vous être ? Vous pourriez essayer de faire une liste,
mais à tous les coups, il va y avoir deux problèmes. Soit vous
allez oublier des trucs, soit vous allez la remplir de choses qui
n’ont pas tant d’importance que ça.
Alors,
pour éviter ça, je vais vous montrer une liste de valeurs qui est
très fortement inspirée de l’excellent bouquin « guérir
l’anxiété » de la collection « pour les nuls. »
Dans cette liste, vous allez commencer par choisir les 5 valeurs les
plus importantes à vos yeux. Ça va sûrement être difficile d’en
choisir seulement 5, mais c’est important que vous respectiez cette
limite.
Mettez la vidéo en pause pour bien prendre le temps de choisir, et je vous conseille aussi de les noter quelque-part si vous avez de quoi écrire sous la main. Puis, quand vous aurez choisi les cinq valeurs qui comptent le plus à vos yeux, comparez-les à votre quotidien. Pour ça aussi, mettez la vidéo en pause et prenez le temps de répondre aux questions qui s’affichent à l’écran.
Mettez la vidéo en pause pour bien prendre le temps de choisir, et je vous conseille aussi de les noter quelque-part si vous avez de quoi écrire sous la main. Puis, quand vous aurez choisi les cinq valeurs qui comptent le plus à vos yeux, comparez-les à votre quotidien. Pour ça aussi, mettez la vidéo en pause et prenez le temps de répondre aux questions qui s’affichent à l’écran.
Bien entendu, ça ne
suffira pas. Identifier ses valeurs, c’est comme fixer la
destination d’un voyage. Une fois que c’est fait, il reste encore
tout le chemin à parcourir. Mais au moins, ça vous permettra de
vous situer, et surtout, d’éviter de vous perdre.
Sources
- James, W. (1890). The principles of psychology.
- Sowislo, J. F., & Orth, U. (2013). Does low self-esteem predict depression and anxiety? A meta-analysis of longitudinal studies. Psychological bulletin, 139(1), 213.
- Wilson, J. (2012) The relationship between anxiety and depression.